Abus de faiblesse et insanité d’esprit : le pénal ne tient pas le civil en l'état pour l’annulation du testament

La preuve de l’insanité d’esprit lors de la rédaction du testament doit être rapportée, même en cas de condamnation au pénal pour abus de faiblesse selon la Cour de Cassation, dans son Arrêt du 24 octobre 2012.

Dans cette affaire, la défunte avait établi un premier testament olographe en 1996 par lequel elle instituait l’une de ses nièces légataire universelle. Puis, en septembre 2003, elle avait révoqué son précédent testament en instituant une autre personne légataire universelle et avait céder à cette dernière et à son époux un immeuble d’habitation à un prix dérisoire. Ce couple avait également bénéficié de différents dons.

La défunte avait finalement été placée sous tutelle le 4 mai 2004 avant de décéder le 18 octobre 2004. Les actes qu’elle avait précédemment contractés avant sa mise sous protection juridique ont été contestés, en ce compris la vente et le dernier testament de 2003.

Au pénal, les deux membres du couple ont été déclarés coupables d’avoir, entre le 1er janvier 2003 et le 18 octobre 2004, frauduleusement abusés de la situation de faiblesse de la défunte et ils ont été condamnés à un an de prison avec sursis par jugement du Tribunal correctionnelle du 13 juin 2006.

Au civil, sur la base de ces élément et notamment le rapport d’expertise psychiatrique établi le 29 janvier 2004 au cours de l’instance pénale, la Cour d’appel avait considéré que la défunte ne pouvait manifester sa volonté lors de la rédaction du testament du 24 septembre 2003 et avait annulé ledit testament pour insanité d’esprit.

Mais la Cour de Cassation va casser cette décision, selon elle « en l’absence d’identité entre la question de la vulnérabilité soumise au juge pénal et celle de l’insanité d’esprit au moment de la rédaction du testament soumise au juge civil, l’autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel ne s’impose pas à la juridiction civile »

La Cour d’appel ne pouvait se contenter de reprendre les éléments du rapport d’expertise établi 4 mois après la rédaction du testament en cause, sans rechercher si l’insanité d’esprit était caractérisée à la date de la rédaction du testament du 24 septembre 2003.

Outre l’absence d’identité des deux questions, il faut également rappeler que depuis la modification de l’article 4 du Code de procédure pénale par la Loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, « le pénal ne tient plus le civil en l’état » (sauf  lorsque le préjudice invoqué au cours de l’action civile en réparation découle directement de l’infraction pénale).