FONDATION NATIONALE DE GERONTOLOGIE
 
PRÉAMBULE
 
La vieillesse est une étape de l’existence pendant laquelle chacun poursuit son accomplissement. Les personnes âgées, pour la plupart, restent autonomes et lucides jusqu’au terme de leur vie. Au cours de la vieillesse, les incapacités surviennent à une période de plus en plus tardive. Elles sont liées à des maladies ou des accidents, qui altèrent les fonctions physiques et/ou mentales.
Même en situation de handicap ou de dépendance, les personnes âgées doivent pouvoir continuer à exercer leurs libertés et leurs droits et assumer leurs devoirs de citoyens. Leur place dans la cité, au contact des autres générations et dans le respect des différences, doit être reconnue et préservée. Cette Charte a pour objectif d’affirmer la dignité de la personne âgée en situation de handicap ou devenue dépendante et de rappeler ses libertés et ses droits ainsi que les obligations de la société à l’égard des plus vulnérables.
 
ARTICLE I – CHOIX DE VIE
 
Toute personne âgée devenue handicapée ou dépendante est libre d’exercer ses choix dans la vie quotidienne et de déterminer son mode de vie.
 
Elle doit bénéficier de l’autonomie que lui permettent ses capacités physiques et mentales, même au prix d’un certain risque. Il convient de la sensibiliser à ce risque, d’en tenir informé l’entourage et de proposer les mesures de prévention adaptées.
La famille et les intervenants doivent respecter le plus possible le désir profond et les choix de la personne, tout en tenant compte de ses capacités qui sont à réévaluer régulièrement.
 
 
ARTICLE II – CADRE DE VIE
 
Toute personne âgée en situation de handicap ou de dépendance doit pouvoir choisir un lieu de vie – domicile personnel ou collectif – adapté à ses attentes et à ses besoins.
 
Elle réside le plus souvent dans son domicile et souhaite y demeurer. Des dispositifs d’assistance et des aménagements doivent être proposés pour le lui permettre.
Un handicap psychique rend souvent difficile, voire impossible, la poursuite de la vie au domicile, surtout en cas d’isolement. Dans ce cas, l’indication et le choix du lieu d’accueil doivent être évalués avec la personne et ses proches. La décision doit répondre aux souhaits et aux difficultés de la personne. Celle-ci doit être préparée à ce changement.
La qualité de vie ainsi que le bien-être physique et moral de la personne doivent constituer l’objectif constant, quel que soit le lieu d’accueil.
Lors de l’entrée en institution, les conditions de résidence doivent être garanties par un contrat explicite ; la personne concernée a recours au conseil de son choix avant et au moment de l’admission.
Le choix de la solution d’accueil prend en compte et vérifie l’adéquation des compétences et des moyens humains de l’institution avec les besoins liés aux problèmes psycho-sociaux, aux pathologies et aux déficiences à l’origine de l’admission.
Tout changement de lieu de résidence, ou même de chambre, doit faire l’objet d’une concertation avec la personne. En institution, l’architecture et les dispositifs doivent être conçus pour respecter la personne dans sa vie privée.
L’espace commun doit être organisé afin de favoriser l’accessibilité, l’orientation, les déplacements. Il doit être accueillant et garantir les meilleures conditions de sécurité.
 
ARTICLE III – VIE SOCIALE ET CULTURELLE
 
Toute personne âgée en situation de handicap ou de dépendance conserve la liberté de communiquer, de se déplacer et de participer à la vie en société.
 
La vie quotidienne doit intégrer son rythme d’existence ainsi que les exigences et les difficultés liées aux handicaps, que ce soit au domicile, dans les lieux publics ou en institution.
Les élus et les urbanistes doivent prendre en considération le vieillissement de la population et les besoins des personnes de tous âges présentant des incapacités, notamment pour l’aménagement de la cité.
Les lieux publics et les transports en commun doivent être accessibles en toute sécurité afin de préserver l’insertion sociale et de favoriser l’accès à la vie culturelle en dépit des handicaps.
Les institutions et industries culturelles ainsi que les médias doivent être attentifs, dans leurs créations et leurs programmations, aux attentes et besoins spécifiques des personnes âgées en situation de handicap ou de dépendance.
Les nouvelles technologies doivent être accessibles dans les meilleures conditions possibles aux personnes qui le souhaitent.
 
ARTICLE IV – PRESENCE ET RÔLE DES PROCHES
 
Le maintien des relations familiales, des réseaux amicaux et sociaux est indispensable à la personne âgée en situation de handicap ou de dépendance.
 
Le rôle des proches qui entourent la personne à domicile doit être reconnu. Il doit être étayé par des soutiens psychologiques, matériels et financiers.
Au sein des institutions, l’association des proches à l’accompagnement de la personne et le maintien d’une vie relationnelle doivent être encouragés et facilités.
En cas d’absence ou de défaillance des proches, il revient aux professionnels et aux bénévoles formés à cette tâche de veiller au maintien d’une vie relationnelle dans le respect des choix de la personne.
Toute personne, quel que soit son âge, doit être protégée des actions visant à la séparer d’un tiers avec lequel, de façon libre et mutuellement consentie, elle entretient ou souhaite avoir une relation intime.
Respecter la personne dans sa sphère privée, sa vie relationnelle, affective et sexuelle s’impose à tous.
 
ARTICLE V – PATRIMOINE ET REVENUS
 
Toute personne âgée en situation de handicap ou de dépendance doit pouvoir garder la maîtrise de son patrimoine et de ses revenus disponibles.
 
Elle doit pouvoir en disposer conformément à ses désirs et à ses besoins, sous réserve d’une protection légale, en cas de vulnérabilité.
Elle doit être préalablement informée de toute vente de ses biens et préparée à cette éventualité.
Il est indispensable que le coût de la compensation des handicaps ne soit pas mis à la charge de la famille. Lorsque la personne reçoit des aides sociales, la fraction des ressources restant disponible après la prise en charge doit demeurer suffisante et servir effectivement à son bien-être et à sa qualité de vie.
 
ARTICLE VI – VALORISATION DE L’ACTIVITÉ
 
Toute personne âgée en situation de handicap ou de dépendance doit être encouragée à conserver des activités.
 
Des besoins d’expression et des capacités d’accomplissement existent à tout âge, même chez des personnes malades présentant un affaiblissement intellectuel ou physique sévère.
Développer des centres d’intérêt maintient le sentiment d’appartenance et d’utilité tout en limitant l’isolement, la ségrégation, la sensation de dévalorisation et l’ennui.
La participation volontaire à des réalisations créatives diversifiées et valorisantes (familiales, mais aussi sociales, économiques, artistiques, culturelles, associatives, ludiques, etc.) doit être favorisée.
L’activité ne doit pas être une animation uniformisée et indifférentiée, mais permettre l’expression des aspirations personnelles.
Des activités adaptées doivent être proposées aux personnes quelle que soit la nature du déficit.
Les activités infantilisantes ou dévalorisantes sont à rejeter.
 
ARTICLE VII – LIBERTÉ D’EXPRESSION ET LIBERTE DE CONSCIENCE
 
Toute personne doit pouvoir participer aux activités associatives ou politiques ainsi qu’aux activités religieuses et philosophiques de son choix.
 
Sa liberté d’expression s’exerce dans le respect des opinions d’autrui.
L’exercice de ses droits civiques doit être facilité, notamment le droit de vote en fonction de sa capacité juridique.
Toute personne en situation de handicap ou de dépendance doit être reconnue dans ses valeurs, qu’elles soient d’inspiration religieuse ou philosophique.
Elle a droit à des temps de recueillement spirituel ou de réflexion.
Chaque établissement doit disposer d’un espace d’accès aisé pouvant servir de lieu de recueillement et de culte et permettre la visite des représentants des diverses religions et mouvements philosophiques non confessionnels en dehors de tout prosélytisme.
Les rites et les usages religieux ou laïcs s’accomplissent dans le respect mutuel.
 
ARTICLE VIII – PRESERVATION DE L’AUTONOMIE
 
La prévention des handicaps et de la dépendance est une nécessité pour la personne qui vieillit.
 
La vieillesse est un état physiologique qui n’appelle pas en soi de médicalisation. Le handicap physique ou psychique résulte d’états pathologiques, dont certains peuvent être prévenus ou traités. Une démarche médicale préventive se justifie, chaque fois que son efficacité est démontrée.
En particulier, la personne exposée à un risque, soit du fait d’un accident, soit du fait d’une maladie chronique, doit bénéficier des actions et des moyens permettant de prévenir ou de retarder l’évolution des symptômes déficitaires et de leurs complications.
Les possibilités de prévention doivent faire l’objet d’une information claire et objective du public, des personnes âgées comme des professionnels, et être accessibles à tous.
Handicaps et dépendance peuvent mettre la personne sous l’emprise d’autrui.
La prise de conscience de cette emprise par les professionnels et les proches est la meilleure protection contre le risque de maltraitance.
 
ARTICLE IX – ACCÈS AUX SOINS ET A LA COMPENSATION DES HANDICAPS
 
Toute personne âgée en situation de handicap ou de dépendance doit avoir accès aux conseils, aux compétences et aux soins qui lui sont utiles.
 
L’accès aux soins doit se faire en temps utile selon les besoins de la personne. Les discriminations liées à l’âge sont contraires à l’éthique médicale.
Les soins comprennent tous les actes médicaux et paramédicaux qui permettent la guérison chaque fois que cet objectif peut être atteint. Les soins visent aussi à rééduquer les fonctions déficitaires et à compenser les incapacités. Ils s’appliquent à améliorer la qualité de vie, à soulager la douleur, à maintenir la lucidité et le confort au malade, en réaménageant espoirs et projets.
En situation de handicap, la personne doit avoir accès à l’ensemble des aides humaines et techniques nécessaires ou utiles à la compensation de ses incapacités.
Aucune personne ne doit être considérée comme un objet passif de soins, que ce soit à l’hôpital, au domicile ou en institution. Le consentement éclairé doit être recherché en vue d’une meilleure coopération du malade à ses propres soins.
Tout établissement de santé doit disposer des compétences et des moyens, ou à défaut, des coopérations structurelles permettant d’assurer sa mission auprès des personnes âgées malades, y compris celles en situation de dépendance.
Les institutions d’accueil doivent disposer des compétences, des effectifs, des locaux et des ressources financières nécessaires à la prise en soins des personnes âgées dépendantes, en particulier des personnes en situation de handicap psychique sévère.
Les délais administratifs anormalement longs et les discriminations de toute nature à l’accueil doivent être corrigés.
La tarification des soins et des aides visant à la compensation des handicaps doit être déterminée en fonction des besoins de la personne et non de la nature du service ou de l’établissement qui la prend en charge. Elle ne doit pas pénaliser les familles.
 
ARTICLE X – QUALIFICATION DES INTERVENANTS
 
Les soins et les aides de compensation des handicaps que requièrent les personnes malades chroniques doivent être dispensés par des intervenants formés, en nombre suffisant, à domicile comme en institution.
 
Une formation spécifique en gérontologie doit être assurée à tous les intervenants concernés. Cette formation est initiale et continue : elle s’adresse en particulier à tous les métiers de la santé et de la compensation des handicaps.
La compétence à la prise en charge des malades âgés ne concerne pas uniquement les personnels spécialisés en gériatrie mais l’ensemble des professionnels susceptibles d’intervenir dans les aides et les soins.
Les intervenants, surtout lorsqu’ils sont isolés, doivent bénéficier d’un suivi, d’une évaluation adaptée et d’une analyse de leurs pratiques. Un soutien psychologique est indispensable ; il s’inscrit dans une démarche d’aide aux soignants et aux aidants.
 
ARTICLE XI – RESPECT DE LA FIN DE VIE
 
Soins, assistance et accompagnement doivent être procurés à la personne âgée en fin de vie et à sa famille.
 
Il faut éviter de confondre les affections sévères et les affections mortelles : le renoncement thérapeutique chez une personne curable s’avère aussi inacceptable que l’obstination thérapeutique injustifiée. Mais, lorsque la mort approche, la personne doit être entourée de soins et d’attentions appropriés.
Le refus de l’acharnement thérapeutique ne signifie pas un abandon des soins, mais justifie un accompagnement visant à combattre efficacement toute douleur physique et à prendre en charge la souffrance morale.
La personne doit pouvoir vivre le terme de son existence dans les conditions qu’elle souhaite, respectée dans ses convictions et écoutée dans ses préférences.
La place des proches justifie une approche et des procédures adaptées à leurs besoins propres.
Que la mort ait lieu à l’hôpital, au domicile ou en institution, les intervenants doivent être sensibilisés et formés aux aspects relationnel, culturel, spirituel et technique de l’accompagnement des personnes en fin de vie et de leur famille, avant et après le décès.
 
ARTICLE XII – LA RECHERCHE : UNE PRIORITÉ ET UN DEVOIR
 
La recherche multidisciplinaire sur le vieillissement, les maladies handicapantes liées à l’âge et les handicaps est une priorité. C’est aussi un devoir.
 
Elle implique aussi bien les disciplines biomédicales et de santé publique que les sciences humaines et sociales, les sciences économiques et les sciences de l’éducation.
La recherche relative aux maladies associées au grand âge est un devoir. Bénéficier des progrès de la recherche constitue un droit pour tous ceux qui en sont ou en seront frappés.
Seule la recherche peut permettre d’acquérir une meilleure connaissance des déficiences et des maladies liées à l’âge ainsi que de leurs conséquences fonctionnelles et faciliter leur prévention ou leur guérison.
Le développement d’une recherche gérontologique et gériatrique peut à la fois améliorer la qualité de vie des personnes âgées en situation de handicap ou de dépendance, diminuer leurs souffrances et abaisser les coûts de leur prise en charge.
 
ARTICLE XIII – EXERCICE DES DROITS ET PROTECTION JURIDIQUE DE LA PERSONNE VULNERABLE
 
Toute personne en situation de vulnérabilité doit voir protégés ses biens et sa personne.
 
L’exercice effectif de la totalité de ses droits civiques doit être assuré à la personne vulnérable, y compris le droit de vote en l’absence de tutelle.
Les professionnels habilités à initier ou à appliquer une mesure de protection ont le devoir d’évaluer son acceptabilité par la personne concernée ainsi que ses conséquences affectives et sociales.
Dans la mise en oeuvre des protections prévues par le Code Civil (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle), les points suivants doivent être considérés :

  • · le besoin de protection n’est pas forcément total, ni définitif ;
  • · la personne protégée doit pouvoir continuer à donner son avis chaque fois que cela est nécessaire et possible ;
  • · la dépendance psychique n’exclut pas que la personne puisse exprimer des orientations de vie et soit toujours tenue informée des actes effectués en son nom.

La sécurité physique et morale contre toutes agressions et maltraitances doit être assurée.
Toutes violences et négligences, même apparemment légères, doivent être prévenues, signalées et traitées. Les infractions caractérisées peuvent donner lieu à des sanctions professionnelles ou à des suites judiciaires.
Les violences ou négligences ont souvent des effets majeurs et irréversibles sur la santé et la sûreté des personnes : l’aide aux victimes doit être garantie afin que leurs droits soient respectés.
 
ARTICLE XIV – L’INFORMATION
 
L’information est le meilleur moyen de lutter contre l’exclusion.
 
Les membres de la société doivent être informés de manière explicite et volontaire des difficultés qu’éprouvent les personnes âgées en situation de handicap ou de dépendance.
L’information doit être la plus large possible. L’ignorance aboutit trop souvent à une attitude de mépris ou à une négligence indifférente à la prise en compte des droits, des capacités et des souhaits de la personne.
Une information de qualité et des modalités de communication adaptées s’imposent à tous les stades d’intervention auprès de la personne âgée en situation de handicap ou de dépendance.
Loyale et compréhensible, l’information doit intervenir lorsque la personne est encore en capacité d’affirmer ses choix.
Il convient également de prendre en considération le droit de la personne qui se refuse à être informée.
Une exclusion sociale peut résulter aussi bien d’une surprotection infantilisante que d’un rejet ou d’un refus individuel et collectif d’être attentif aux besoins et aux attentes des personnes.
 
Lorsqu’il sera admis et acquis que toute personne âgée en situation de handicap ou de dépendance est respectée et reconnue dans sa dignité, sa liberté, ses droits et ses choix, cette charte sera appliquée dans son esprit.